top of page

Le génocide ignoré

ree

Alors que le régime de Mobutu s’effondrait, ses soldats se sont retournés contre les Banyamulenge, en tuant beaucoup d’entre eux sous la fausse accusation d’être à l’origine d’un complot visant à déclencher une guerre civile dans le pays. De nombreux politiciens issus des groupes ethniques Babembe et Bafuliru ont soutenu cette campagne et ont ouvertement incité d’autres citoyens à harceler les Banyamulenge partout où ils se trouvaient.


La deuxième guerre du Congo a encore alimenté la haine ethnique qui couvait depuis des décennies. En août 1998, dans la région de Bvura où vivaient de nombreux Banyamulenge, ils ont été délibérément attaqués dans le but de les exterminer. Bien qu’ils se soient défendus et aient réussi à fuir, toute la région de Bvura a été détruite.


Ceux qui ont cherché refuge dans des zones urbaines comme Uvira et Bukavu ont continué à vivre sous une menace constante. Ils étaient harcelés là où ils habitaient, lapidés dans les rues et soumis à de nombreuses autres formes de violence pendant six ans. Toutes ces actions étaient secrètement soutenues par des personnalités politiques issues des mêmes groupes ethniques mentionnés précédemment.


En juin 2004, la situation a atteint un nouveau seuil avec une augmentation des tueries. Cela a conduit les Banyamulenge à fuir une fois de plus — cette fois vers le camp de réfugiés de Gatumba au Burundi. Ce camp, situé près de la frontière congolaise, avait été mis en place par le HCR. Cependant, l’agence n’a pas pris les mesures de sécurité adéquates en raison de la proximité de la frontière.


Dans le camp, il n’y avait pas seulement des Banyamulenge, mais aussi des personnes d’autres ethnies ayant fui à cause de la deuxième guerre du Congo. Le HCR avait séparé les réfugiés en attribuant à chaque groupe ethnique une section spécifique. Les Banyamulenge ont reçu des tentes bleues et vertes pour y vivre. Ce fut une grave erreur, car cela a permis aux attaquants d’identifier et de localiser facilement leurs victimes.


Les Banyamulenge ont vécu dans ce camp pendant deux mois, mais l’ennemi qu’ils avaient fui au Congo a réussi à les suivre et à les tuer au Burundi. Bien que la MONUC (mission de maintien de la paix de l’ONU) ait eu des renseignements préalables sur l’attaque, elle n’a rien fait pour l’empêcher.


Dans la nuit du 13 août 2004, une coalition composée des FNL (Forces Nationales de Libération/PALPEHUTU), des combattants Mai-Mai et des milices Interahamwe a franchi la frontière Congo-Burundi armée. Malgré la présence des armées des deux pays protégeant la frontière, ils sont entrés dans le camp de Gatumba et ont lancé une attaque brutale contre les réfugiés banyamulenge

.

Les assaillants ont encerclé la section du camp où se trouvaient les Banyamulenge, dans l’intention de tous les massacrer. De 22 heures à minuit, ils ont incendié les tentes et ont tiré ou achevé à coups de machette toute personne tentant de s’échapper. Les autres réfugiés du camp, qui n’étaient pas banyamulenge, n’ont pas été blessés. Après le massacre, les assaillants sont simplement retournés au Congo sans rencontrer de résistance.


En seulement deux heures, 166 personnes ont été tuées et plus de 100 gravement blessées. Un survivant du massacre a déclaré que les assaillants n’étaient pas de simples criminels ordinaires, mais des tueurs entraînés avec une expertise professionnelle dans l’art du meurtre.


Bien que des soldats et policiers gouvernementaux soient stationnés à proximité du camp, aucun n’est intervenu pour porter secours. Même les Casques bleus de l’ONU, responsables de la sécurité, n’ont pas agi avant la fin du massacre. Tous ceux chargés de protéger les réfugiés banyamulenge ont ensuite prétendu n’avoir appris l’incident qu’après qu’il ait eu lieu.


Après le massacre, le porte-parole des FNL, Pasteur Habimana, a ouvertement reconnu leur responsabilité lors d’une émission radiophonique. Le chef du groupe, Agathon Rwasa, s’est même vanté à plusieurs reprises de cette attaque. Malgré ces aveux publics, ni les tribunaux locaux ni internationaux n’ont jamais arrêté ni poursuivi les responsables.


Plus de vingt ans se sont écoulés depuis que les Banyamulenge ont été massacrés sous la surveillance du HCR, qui est resté silencieux. L’agence n’a jamais pris la parole ni agi concernant ce qui s’est passé. Les communautés banyamulenge du monde entier se sont unies pour déposer des plaintes dans divers tribunaux, mais le chemin vers la justice — et l’arrestation des responsables — demeure long et incertain.

Commentaires


bottom of page